Gradus ad Parnassum - Cours d'écriture musicale
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Gradus ad Parnassum ?

Gradus ad Parnassum ?

Le site Gradus ad Parnassum est en passe d'accomplir sa quatrième année. Aussi serait-il temps d'apporter quelques éclaircissements sur le sens de cette appellation qui, à ce que j'ai pu constater, reste énigmatique pour certains.

J'ai lancé cette idée au premier abord bien saugrenue dans un moment de franche gaîté. La chose n'était pas bien sérieuse, c'était une plaisanterie. Nommer le site « Gradus ad Parnassum », voilà qui était bien lourd, obscur, vieilli, voire pompeux ! Mais, poussé par mon amour immodéré pour les humanités gréco-latines, et un penchant naturel à valoriser tout ce qui dégage un parfum d'inactualité, l'expression me devenait sympathique et finalement représentative de l'esprit du site.

Certains ont pensé qu'il s'agissait d'une allusion à la fameuse pièce de Debussy, Doctor Gradus ad Parnassum, la première du recueil Children's corner. Le compositeur évoque avec humour et tendresse l'enfant, celui qu'il fut lui-même, devant l'imposant recueil d'études pour le piano de Muzio Clementi, l'intimidant Gradus ad Parnassum. Le jeune pianiste, tour à tour appliqué, consciencieux, rêveur, s'évade de l'austère texte par une improvisation libre et fantasque.

Avant Debussy il y eut donc Clementi. La grande référence pour Clementi était le magistral traité de contrepoint de Johann Joseph Fux, le Gradus ad Parnassum, qui compta tant dans la formation de Haydn, Mozart et Beethoven, et de tant de musiciens.

Gradus : les marches, ou la montée, ad Parnassum : vers le Parnasse, la résidence des muses. On retrouve cette idée de progression, ce pas à pas, degré après degré, un peu partout: un recueil récent d'étude pour piano ne s'appelait-il pas Piano step by step ?

Pour tout dire, mais est-ce bien nécessaire, car libre à chacun d'y trouver sa référence, c'est bien dans la tradition de Fux que bien immodestement je plaçai le site nouveau venu. Mais l'expression est bien plus ancienne. Elle appartient à la culture gréco-latine. La montée vers le Parnasse désignait ces traités de versification et de métrique grecque et latine, qui ont fait autorité jusqu'à nos jours. Je fais partie de ceux qui souffrent de voir cette immense culture déserter notre imaginaire. Le grand érudit Marc Fumaroli évoquait l'inexorable éloignement des Humanités en citant ces quelques vers D'Aragon :

« La ville où vous vivez, la voilà qui s’éloigne
Toute petite dans le souvenir,
Passez-moi les jumelles que je regarde une dernière fois
Le linge qui sèche aux fenêtres
»

Elles sont en effet, ces Humanités, toutes petites dans le souvenir, au point qu'il faille se munir de jumelles pour encore les apercevoir dans le lointain.

Gradus était devenu un nom commun, comme on dit un dictionnaire. En témoigne ce passage des Mémoires d'outre-tombe où Chateaubriand évoque son bref passage en prison :

« Je commençais quelques vers élégiaques d'une épitaphe latine ; mais voilà que la quantité d'un mot m'embarrassa ; vite je saute en bas de la table où j'étais juché, appuyé contre les barreaux de la fenêtre, et je cours frapper de grands coups de poing dans ma porte. Les cavernes d'alentour retentirent ; le geôlier monte épouvanté, suivi de deux gendarmes ; il ouvre mon guichet, et je lui crie : “Un Gradus ! Un gradus !” Le geôlier écarquillait les yeux, les gendarmes croyaient que je révélais le nom de mes complices ; je m'expliquai ; je donnai de l'argent pour acheter le livre, et on alla demander un Gradus à la police étonnée »

Notons au passage une jolie collection de points virgules.

Aujourd'hui, on trouve en livre de poche un Gradus philosophique, mais aussi le Gradus, Les procédés littéraires, de Bernard Dupriez.

Dès lors, pourquoi pas un Gradus musical...

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